Le Boyfriend a passé les deux dernières semaines en négociation avec une start-up ici à Berlin. Tous les deux jours, il allait prendre un café avec le CEO pour discuter des plans futurs de la boite et des SaaS entreprises en général.
Le CEO était enthousiaste de travailler avec le Boyfriend. Et le Boyfriend était encore plus enthousiaste à l’idée de bosser avec lui.
Et puis, il a demandé des lettres de recommandations de ses anciens employeurs.
Ce fut rédhibitoire.
Il a travaillé pour 4 boites différentes durant l’année passée dans des rôles allant de la rédaction au développement de logiciel et c’est pas évident de trouver une personne acceptant de donner une recommandation pour des missions différentes.
Bref, le Boyfriend est un lâcheur en série et il en paie le prix ! La start-up a décidé de ne pas l’embaucher.
Et je vois bien que la question se pose souvent parmi vous, lecteurs de ce blog : devriez-vous laisser tomber cette activité dont vous vous sentez peu à peu pris au piège ?
Devriez-vous finir d’écrire cette p* de thèse alors que ça fait déjà 3 ans que c’est un calvaire ?
Est-ce que vous devriez continuer d’aller travailler alors même que l’idée de rembaucher le lundi matin vous rend malade ?
C’est une question difficile parce que laisser tomber n’est pas sans conséquences. Donc c’est important de savoir quand laisser tomber est la bonne chose à faire ou si vous abandonnez juste parce que les choses se corsent un peu.
Parce que oui, la vie n’est pas toujours facile et que même quand on pense être sur la bonne voie, à un moment donné surgira fatalement un obstacle – un évènement indépendant de notre volonté qui s’érige en challenge redoutable.
Cet obstacle, c’est quelque chose qui ne faisait pas partie du plan initial : on tombe malade, on câle sur ce projet, on est en manque d’idée, on a un accident ou un pétage de cable. Internet décide de ne plus marcher, etc…
Alors comment savoir si c’est un obstacle qu’on doit franchir et qui est juste là pour mettre notre motivation à l’épreuve ou si c’est le signe qu’il est temps de passer à autre chose ? Est-ce que ce projet, ce job, cette thèse ou ce mec en vaut vraiment la peine ?
1. Laisser tomber n’est pas un signe d’échec
Je ne suis pas d’accord avec ce CEO. Démissionner n’est pas un signe d’échec.
J’ai aussi laissé tombé tout un tas de choses. J’ai arrêté mes études de droit, puis celles de sciences po. J’ai arrêté de jouer au hautbois. J’ai arrêté la natation. J’ai changé de branche, de pays, j’ai largué quelques clients et un paquet de projets.
Est-ce que j’ai regretté ces décisions ? Absolument pas ! Parfois, abandonner est exactement la chose à faire.
Si on est d’accord que le principe de “faire la même chose encore et encore tout en espérant que le résultat soit différent est la définition même de la folie”, continuer à faire le même job de merde une année de plus en pensant que les choses vont s’arranger sans pour autant ne rien changer est absurde.
2. Accepter le coût irrécupérable de la liberté
Je sais… vous avez passé toutes ces années à poursuivre des études d’histoire à la fac ! Et vous avez le sentiment que vous devriez vous en “servir” d’une certaine façon, parce que vous avez déjà tant investi dans le sujet.
Mais la vérité, c’est que si vous n’avez pas trouvé un moyen de vous en “servir” au jour d’aujourd’hui, il y a de fortes chances que la meilleure chose à faire soit d’aller de l’avant.
Ca ne vaut pas la peine de continuer à gaspiller ses ressources dans une cause perdue.
Pour vous donner un exemple :
Au départ, on avait prévu de rester 6 mois en Guadeloupe. Mais après 3 mois, on en avait assez. Ce n’était pas le bon endroit pour ce qu’on souhaitait faire. Mais on avait réservé nos billets d’avion à l’avance et changer les dates coûtait un supplément.
Résultat : on est resté un mois de plus tandis que la saison touristique débutait et que le prix des loyers flambait. Ce mois supplémentaire nous a coûté 1200 euros. C’est là qu’on a compris que c’était pas la peine de rester deux mois de plus et qu’il valait mieux payer la différence des changements de billets !
Il faut faire abstraction émotionnellement de qu’on a déjà dépensé – en argent, en temps, en sacrifices. Ce prix déjà payé dans le passé est irrécupérable. Et ce qui compte, c’est le maintenant.
3. La Méthode “Et Dans 10 Ans ?” pour déterminer si vous devez laisser tomber ou poursuivre
Bien que ce soit tout à fait légitime d’abandonner certaines choses, celles qui vous empêchent de passer à quelque chose de meilleur, il n’est pas pour autant acceptable d’abandonner quelque chose simplement parce qu’on rencontre des difficultés.
Et le dilemme reste donc entier : “je relance ou je me couche ?”
La question à se poser dans ce cas, c’est de regarder où en sont les personnes qui nous précèdent de 10 années dans notre entreprise ou dans notre domaine de compétence.
Est-ce qu’on voudrait de leur vie ? Est-ce qu’on a objectivement envie d’être comme eux dans 10 ans ? (je parle aussi dans la réalité du métier et non pas de l’idée qu’on s’en est faite d’après quelques films ou séries télé).
Si c’est le cas, on est tout bon. On continue !
Mais si ce n’est pas le cas, ça veut dire qu’on doit changer quelque chose. Parce que c’est le summum de l’arrogance de croire qu’on sera différent tout en faisant exactement la même chose que les autres.
Et ce n’est pas évident de parvenir à conclure une telle chose. C’est plus agréable de prétendre que que ça ne sera pas pareil pour nous.
Après avoir fini mes études en Médiation du Patrimoine, je me suis retrouvé comme beaucoup de ma génération sur un marché de l’emploi peu accueillant. Et là, on commence à se plaindre et à se morfondre sur nous-mêmes juste parce que les choses ne se passent pas comme on le souhaite. On n’est anéanti quand on nous retire ce qui nous avait pourtant été “promis” – comme si ça ne pouvait pas se passer autrement. Et au lieu d’agir, on reste chez nous à jouer aux jeux vidéos, à voyager ou pire à débourser encore davantage pour un énième diplôme. Et après, on se demande pourquoi ça ne s’arrange pas.
J’étais bien partie sur cette voie aussi. Mais j’ai décidé d’aller à une conférence organisée à Munich, où j’habitais à l’époque, donnée par des professionnels de la culture et qui venaient raconter leur parcours. Et force a été d’admettre que je ne souhaitais pas de leur vie, ni de ce qu’ils leur en a coûté pour en arriver là.
Il a fallu que je change quelque chose.
4. Persévérer dans les moments de moins de bien
Une fois que vous avez regardé l’avenir en face et décidé que oui, cette voie est pour vous, le travail reste encore à faire.
Chaque nouveau projet, job, loisir, activité entrepreneuriale ou relation s’accompagne de l’euphorie des débuts. Puis, ça se complique et c’est tout d’un coup moins fun jusqu’à ce qu’on se retrouve dans le creux de la vague et dans ces moments-là, on ne sait même plus si on a touché le fond ou si on continue de creuser… Bref pas fun du tout.
Illustration inspirée de l’ouvrage « The DIP » de Seth Godin.
Cette phase s’accompagne de questionnements et de gros doutes. On se demande si tout ça en vaut finalement vraiment la peine.
En supposant qu’on a répondu de façon positive à la Méthode “Et Dans 10 ans ?”, on commence par se rappeler comme Ryan Holiday le dit si bien que c’est juste un moment à passer et que “ce moment n’est pas notre vie”.
Parce que cette tendance à extrapoler les choses est dans la nature humaine. C’est-à-dire à projeter l’expérience qu’on vit au présent dans l’inconnu et à en tirer une sorte de vision pour le futur tout entier. C’est quand on se focalise sur une petite chose et qu’on l’étend au point d’en faire un jugement global de l’univers.
Exemple : j’ai chopé la grippe cet hiver. Je suis infernale quand je suis malade. Ca m’est particulièrement pénible parce que j’ai l’impression que ça ne va jamais s’arrêter et que je suis condamné à subir la fièvre et ses effets affaiblissantes pour toujours.
Ce que je fais, c’est que je choisis un moment t donné et je le prolonge déraisonnablement à l’infini. De la même façon, cette journée de merde au boulot se transforme en dramatique “ça va pas être possible, je peux pas supporter ça encore 40 ans !”. Et c’est la cause de toute une génération de Millenials qui concluent que cette première expérience du monde du travail naturellement au bas de l’échelon est inacceptable et qu’une vie de misère pareille est intolérable.
Donc la prochaine que vous ressentez au plus profond de vous-même cette douleur ou cette rancune ou cette injustice, tout ce que vous devez faire, c’est commencer par vous rappeler cette chose :
Ce moment ne définit pas votre vie. C’est juste un moment de votre vie.
CONCLUSION
Essayez d’appliquer la Méthode “Et Dans 10 Ans ?” à votre propre situation. Qu’est-ce qu’il se passera si vous continuez de faire ce que vous faites pendant une décennie supplémentaire ? Est-ce que l’idée vous remplit d’ivresse ou d’horreur ?
Partagez votre expérience en laissant un commentaire ou en m’envoyant un email. Je les lis tous.
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Julia
C’est une approche intéressante. Vu comme ça, c’est clair comme de l’eau de roche : dans 10 ans je veux être ailleurs et faire autre chose. Reste à trouver quoi.
Yelen
Bonjour je suis d’accord avec vous Julia dans 10 ans je me verrais faire autre chose
et pas rester tjrs a la même place je rejoins votre idée
Hélène
Merci pour ce billet, qui une fois encore permet de se remettre en question !
Mais une fois que c’est clair, net et précis, « il faut que ça change », ouïe que c’est dur de trouver SA voie, ou du moins d’accepter de se planter, de se rendre compte qu’un autre boulot qu’on idéalisait jusqu’à maintenant n’est pas forcément mieux, ou que c’est carrément angoissant de se lancer dans l’inconnu et de tatônner… bref, l’après est vachement compliqué je trouve ^^
Marie-Claude
Je suis plutôt de l’équipe « et dans 5 ans? ». Dix ans me semble trop abstrait…. Je suis un peu instable!
On m’a récemment diagnostiqué une maladie dégénérative à l’évolution imprévisible. J’ai passé deux semaines dans un genre de brouillard, pour en émerger en me demandant « Quel rêve m’accompagne depuis toute petite, ce rêve que je n’ai pas encore touché, ce rêve qui ne pourra peut-être pas être réalisé dans 5 ans si je ne le réalise maintenant? » J’ai fait un bilan rapide: mon emploi présent me convient tout à fait, ma vie de famille aussi. Parfait! Ne me manquait qu’une écurie! :-) Alors en 7 jours, j’ai acheté l’écurie, même si c’était loin d’être prévu au budget.
En réalité, personne ne sait combien de temps il lui reste pour vivre sa vie telle qu’il la connait aujourd’hui ou telle qu’il la souhaite vraiment: ce diagnostic est peut-être ma chance que d’autres n’auront jamais de me secouer afin de voir ce qui compte vraiment et de réaliser aujourd’hui ces choses qu’on remet à plus tard… Et de donner à mes enfants un exemple d’action que certains appelleront folie, et que d’autres reconnaîtront comme la clé du bonheur.
La voie qu’on choisit sera toujours LA NÔTRE, il faut se l’approprier et la vivre à fond; les routes qu’on ne fréquente pas, qui peut dire qu’elles seraient plus agréables, puisqu’on n’y est pas? Si on est qualifié d’instable et qu’on n’a pas l’emploi qui semble si merveilleux, probablement que cet emploi nous aurait demandé d’aller contre notre nature, non? La seule persévérance que l’on se doit à soi-même, c’est le plaisir de vivre, et non pas traverser la vie à juste respirer et regretter.
Colette
Dans dix ans ? une chose est sûre, ce que je vis aujourd’hui n’est qu’un moment de ma vie. Je suis persuader que si rien ne change, je me dirais dans dix ans qu’il faut que je change quelque chose…mais comment ?
Combattre la procrastination, faire confiance, oser l’inconnu, et se lancer. Dit comme cela, ça à l’air simple……
Rachel
Dans dix ans…
Difficile à dire il peut se passer tant de choses en trois mois qui bouleversent une vie.
Une chose est sûre, je ne serai plus à mon poste actuel puisque je le quitte à la fin du mois, justement parce que je ne me voyais pas du tout encore à cet endroit ne serait -ce qu’un an de plus. Justement pa ce que je me suis clairement dit que je ne voulais pas de la vie de mes collègues et que ce qu’était devenu la mienne en travaillant là ne me plaisait pas du tout.
Ce qui ne plait pas dans un parcours où l’on quitte ses boulots, c’est que ca montre une autonomie d’esprit laissant présager un empêcheur de manager en rond. Bien qu’en théorie ce soit exactement ce que les entreprises sont censées rechercher.
Notre société a du mal à admettre qu’il y a pu avoir erreur et que ce n’est pas grave, c’est la vie et c’est comme ça qu’on apprend :)
Jonathan Path
T’es vraiment un bon coach en développement personnel :) Très pertinent l’article !
Je suis beaucoup inspiré du livre : 7 habitudes de ceux qui réussissent tout ce qu’ils entreprennent. Et le chapitre 2, c’est : toujours avoir la fin en tête (se projeter à la fin de sa vie pour analyser si on sera satisfait de ce qu’on a fait de sa vie). Ca aide beaucoup à construire le court terme et le moyen terme !
Jacques René
Rien n’est facile alors cessons d’avoir la paresse. Allez mettons nous au boulot.
Charlie
Je dirais peut-être même que c’est l’inconscience qui nous empêche cette folie de ne pas essayer / changer / tenter / lâcher / laisser tomber… On peut toujours regretter d’avoir arrêter le sport / la musique / des études / des gens… mais sur le moment c’était bien ce qu’on voulait non ? On pourra toujours renouer contact, reprendre des cours, un job (et ce, même avec un creux de 10 ans dans le planning!). Le point de départ de tout changement, c’est la prise de conscience. C’est le moment où nous nous octroyons vraiment le temps de penser. Et cela fait partie des actes intelligents dans une vie. Ce point de non retour est certes un moment d’euphorie et sûrement de grande inquiétude sur l’avenir, mais il se révèle à mon sens, vital et apaisant…
Comme toute décision, elle se réfléchit et s’organise, même si cela part d’un coup de tête. Et surtout, je reste persuadée qu’il faut bien se connaitre, car il faudra s’armer et être prêt à affronter les avis divergents et décourageants de votre entourage (et oui, les gens et leur confort…). Et comme le dit Jodorowsky, il faut toujours essayer, toujours… Rien n’est facile, mais on peut travailler à rendre les choses agréables.
Merci pour votre article qui me conforte encore un peu plus sur mes choix, et bientôt sur de nouvelles perspectives !
Bend-webdesign
Sympa comme article, ca permet de se remettre en question et de voir comment chacun va voir l’avenir. Perso je pense que j’aurais changé, car la technologie va trop vite pour moi et j’ai besoin de plus de « vert » dans mon espace de travail).