Le perfectionnisme pratique (l’histoire du radiateur qui ne sera pas le mieux peint du monde)

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Le week-end dernier, on a repeint le couloir de la maison (oui, nous vivons dans une maison !) et hier j’ai enlevé la bande qui protégeait les portes et les plinthes. Le Boyfriend en passant par là se félicite du résultat remarquable de notre première opération rénovation. Moi par contre je lui fais remarquer que parfois, on n’a pas parfaitement mis la bande et donc il y a des endroits qui ne sont pas peints. « Pas de problèmes » dit-il, « il suffit de peindre pour combler les trous et même si tu mets un peu de peinture sur les portes, ce n’est pas grave, on les peint le week-end prochain de toute façon ». D’accord. Je m’y remets et je m’applique à peindre les interstices avec un pinceau de 5 millimètres sans trop déborder.

5 minutes plus tard, il repasse et s’exclame :

« Oh my God !»

Moi : « what ? »

Le Boyfriend : « you are such a perfectionnist! This is so the last day you spend on it ».

Il faut dire que nous sommes mardi, que j’en suis à la 5ème couche et qu’à bien regarder la taille de mon pinceau, j’ai peut être surévalué la consigne de « ne pas trop déborder ».

Et alors ? Est-ce que c’est grave d’être perfectionniste ? Réfléchir à la question m’a occupée pendant deux heures tandis que je m’attaquais au radiateur (de loin, le truc le plus chiant à peindre !).

D’emblée, j’ai pensé 2 choses :
1) LE perfectionniste incontesté était probablement Steve Jobs. Tout le monde sait qu’il avait besoin que tout soit parfait !
2) Il est incroyable le nombre de personnes qui admettent être perfectionniste. C’est un peu le défaut qu’on croit gentil, qu’on pense même être un peu une qualité et qu’on aime donc se donner pendant les entretiens d’embauche. Vous savez… pour répondre à la question qu’on déteste : « quel est votre défaut principal ? ».

Mais pourquoi met on le perfectionnisme dans la catégorie des défauts acceptables ? Steve Jobs était quand même réputé pour pas être un mec facile à vivre… Il était compliqué et épuisant. Mais on semble le lui pardonner parce qu’on pense que son génie en découlait et qu’il poussait les limites du possible et de la beauté technologique. Il est vrai que les techniciens d’Apple sont devenus les meilleurs du monde.

Oui mais à mon niveau ? Là. Maintenant. En train de repeindre mon couloir et ce foutu radiateur. Est-ce que ça vaut le coup d’être perfectionniste ?

Et là, y a deux points de vue : (navrée pour mes raisonnements binaires hérités de mes années de droit)

1) Soit c’est une bonne chose. Et le perfectionnisme nous pousse à nous surpasser. Ça se tient… Quand on dit « ça ira comme ça », on veut en fait dire qu’on a atteint la limite de nos capacités. Un « résultat suffisant » est en réalité un état de fait de notre niveau à un moment donné. Aller au delà, c’est se mettre dans une situation inconfortable où nous avons besoin de compétences que nous n’avons pas encore et qu’il sera peut être difficile d’acquérir et de mettre en pratique.

2) Soit c’est une maladie. Et on peut en effet penser que les perfectionnistes sont des gens qui détestent avoir tort et veulent à tout prix éviter de faire des erreurs. Ils procrastinent et sont incapables de finir un projet parce qu’ils trouvent toujours un moyen de l’améliorer. Pourtant atteindre la perfection est impossible, pour quiconque (même Steve Jobs parce que en ce moment, nous avons quelques bugs avec notre i-phone).

Il y a aussi une anecdote que raconte Penelope Trunk que j’aime bien :

« Un professeur de céramique divise sa classe en 2 groupes. Ceux qui se trouvent à gauche du studio seront notés uniquement sur la quantité de travail qu’ils produiront, tandis que les autres (à droite) seront uniquement évalués sur la qualité de leur travail.

La procédure est simple : le dernier jour de classe, le prof pèsera le travail du « groupe quantité » (50 kilos=A, 40 kilos=B, etc…). Ceux notés sur la qualité n’ont, eux, besoin de produire qu’un seul pot mais il devra être parfait pour obtenir un A.

Cependant, au moment de l’évaluation, les travaux les plus remarquables ont tous été produits par le groupe pourtant noté sur la quantité.

Il semble que pendant que le « groupe quantité » était occupé à accumuler des tonnes de travail – et à apprendre de leurs erreurs – le « groupe qualité » était assis à théoriser sur la notion de perfection et n’avait au final pas grand chose d’autre à présenter que de belles théories.

Conclusion : plus on s’entraine, meilleur on devient ! La pratique implique de faire des erreurs et la perfection vient de l’imperfection. »

Donc ça sert à rien que je m’acharne sur le radiateur… Personne ne va regarder derrière si aucune goutte de peinture n’a dégoulinée. Sachant en plus que le perfectionnisme peut vous rendre taré (cf Steve jobs), que ça peut mener au workaholism et que c’est un facteur à risque conduisant à la dépression, je ferai mieux d’arrêter de me prendre la tête sur ce radiateur et d’aller lire le livre d’un des profs de Harvard (Tal Ben-Shahar) intitulé « how to Stop Chasing Perfection and Start Living a Richer, Happier Life »… Oui mais là, ça recommence à dégouliner… ahhh !

« This is the last day you spend on it » avait ajouté le Boyfriend. Et je crois que c’est ça la solution pour pas finir dingue. Le perfectionnisme, oui, mais dans un temps limité. Que je m’applique du mieux que je peux pour repeindre n’est pas vraiment le problème mais que j’y consacre autant de temps, alors que je pourrais le passer à faire quelque chose d’autrement plus utile, est effectivement un problème. Pour éviter le perfectionnisme pathologique, il faut se poser une deadline. Pendant le délai imparti, on peut donc est perfectionnisme : corriger, rectifier, optimiser et améliorer autant qu’on veut. Mais dès que le délai est dépassé, il faut s’arrêter ! Parce qu’au final, ce qui compte n’est pas le résultat de perfection (ici : l’impeccabilité d’un blanc immaculé derrière et sous le radiateur) mais la démarche : le fait qu’on s’efforce à atteindre la perfection.

En d’autres termes, ce qui compte, c’est de continuer à s’améliorer (dans mon cas : mieux réussir le prochain radiateur, celui de la salle de bain), et non pas nécessairement faire de ce projet particulier le meilleur de tous les temps. Le radiateur du couloir ne sera donc pas le radiateur le mieux peint de tous les radiateurs du monde.

Cela dit, faudrait que je m’active parce que je dois terminer ça ce soir, tout en gardant en tête le principe du 80/20.

Je ne veux pas manquer le prochain article qui m'aidera à me lancer en freelance, me construire une activité qui me passionne et à avoir une vie pas banale ! Merci de promettre de ne pas me spammer :)

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