Le temps d’un bilan : voilà un an que j’habite à Munich. Afin de mettre un terme à une relation à distance avec mon irlandais de Boyfriend, j’ai effectué mon stage de fin d’étude dans la capitale calme et agréable de la Bavière. 9 mois plus tard et un dernier mémoire universitaire rendu, je rendis les armes et quittai le statut confortable d’étudiant.
Que s’est-il passé ensuite ?
La première désillusion : trouver un emploi payé dans le secteur de la culture n’est certes pas impossible mais requière une certaine patience. Envoyer des dizaines de CV par semaine est hautement décourageant et déprimant. Je choisis de renoncer. C’est le début d’une réflexion sur le choix d’une autre voie que celle que tout le monde attend de moi.
A la recherche de ce que je veux
Depuis mars 2011, je suis professeur de français langue étrangère à l’école Berlitz. J’ai le statut d’indépendant. Vous l’avez compris, je suis dans cette fameuse phase : gagner son indépendance financière.
Evidemment, d’aucuns diront que c’est très décevant comme premier emploi et plutôt de mauvais augure pour le développement d’une carrière professionnelle. Jugement classique et partiellement faux ! Je ne manque pas du tout d’ambition. Je ne crois seulement pas que le métier définisse une personne. Je décide d’y penser autrement, d’après un autre cadre de référence : celui du lifestyle design. Voilà tout.
Je suis dans une phase de préparation. Il est plus facile de réfléchir et de modeler le mode de vie que l’on souhaite avant de se lancer à corps perdu dans un premier emploi qui a certes l’air gratifiant du point de vue des conventions sociales mais que je risque de regretter après 15 ans de bons et loyaux services. Même si ce n’est pas impossible, il est beaucoup plus difficile de changer son style de vie une fois l’habitude encrée, le confort bien établi et les engagements pris[1].
Le constat
- J’aime travailler sous le statut d’indépendant.
Il permet une grande flexibilité. J’aime gérer mon emploi du temps et c’est la découverte la plus importante de ces dernières semaines. Pouvoir refuser de travailler la semaine suivante, parce que je me rends à Paris rendre visite à des amis est l’idée que je me fais d’un emploi décent !
A contrario, je n’aime pas (du tout) la perspective de devoir aller au bureau du lundi matin 9h au vendredi soir 17h. A bien y réfléchir, cette idée de n’avoir que deux jours de week-end par semaine et 25 jours de vacances par an m’a toujours paniquée. Je mets ça sur le compte de mes parents, employés par l’éducation nationale, championne pour accorder un certain nombre d’avantages en terme de temps libre, ou plutôt de gestion personnelle du temps de travail[2]. En ont résulté pour mes frères, ma sœur et moi de nombreux voyages pendant notre enfance. Ce goût pour l’étranger est resté. Merci à vous.
- J’aime le côté social de ce travail.
Etre prof permet indéniablement de rencontrer des collègues intéressés par les mêmes choses que moi, c’est à dire l’apprentissage de nouvelles langues étrangères, et la curiosité vis-à-vis de d’autres cultures. Enseigner sa langue maternelle devient alors un choix tout à fait logique. S’ajoute le sentiment de faire partie d’une communauté : non pas celle des profs comme dans l’éducation nationale[3], mais davantage celle des expatriés.
Outre les collègues s’ajoutent les « clients » : des élèves exigeants mais surtout motivés. Etant donné le coût des cours dans ces écoles de langues privées, on comprend assez bien qu’ils veulent en tirer un profit maximal. Les questions pédagogiques relatives à la motivation d’une classe de 30 adolescents non intéressés par la matière enseignée ne nous concerne pas. Pas de désillusions sur la stupidité du genre humain et l’ingratitude d’élèves mal élevés. Ces élèves se contraignent d’eux-mêmes à suivre en plus de leurs emplois du temps ordinaires des cours de soutien de français. Et le sentiment de pouvoir les aider à développer une langue qu’ils chérissent, à participer à leur nouvelle promotion au sein de leur entreprise, ou à retrouver confiance en eux pour les élèves en difficulté par rapport à cette matière est très gratifiant.
- Dépenser moins, économiser plus
Evidemment, on peut arguer que ce n’est pas avec ce type d’emploi qu’on va gagner sa vie. Et en effet, je ne deviendrais jamais millionnaire[4] en étant prof de français. Je gagne cependant suffisamment. Mais sur le long terme, c’est un atout fantastique. Apprendre à distinguer les achats qui relèvent de la nécessité de ceux qui relève du plaisir ou du consumérisme ne signifie pas que vous finirez radin, mais au contraire vous rendra riche. Savoir vivre avec peu permet flexibilité et liberté[5]. Ma prochaine étape ? Me débarrasser de tout excédent ne logeant pas dans deux valises !
- L’excitation de l’incertitude
Le pendant du travailleur indépendant est l’instabilité. Impossible de savoir de quoi la semaine suivante sera faite. C’est aussi pour ça, qu’il vaut mieux être économe. Une semaine avec 30 heures de cours, puis un emploi du temps absolument vide la semaine suivante arrive régulièrement. Bien que je ne recommande pas à tout le monde de choisir le statut d’indépendant, je reste convaincue que la sécurité de l’emploi n’est pas contrairement à l’idée reçue quelque chose à envier. Je ne pense pas que ce soit non plus recommandé pour la santé mentale sur le long terme. L’homme a besoin de projets pour se sentir vivant et d’un minimum de risques (je ne parle pas d’être kamikaze !) pour se sentir motivé.
Conclusion
Après une année passée à Munich, je sais que :
1) Les voyages et la vie d’expat’ sont fait pour moi
2) Le contact avec les gens est mon leitmotiv.
3) Je veux et exige la liberté d’organiser mon temps.
Vous l’avez compris, un plan pour combiner ces éléments est en cours… Il devra exclure un emploi au sens classique pour pouvoir intégrer la part de « vagabonding »[7] qui m’est chère.
Et vous, qu’attendez-vous de votre carrière professionnelle ? Quels choix avez vous fait ?
[1] Emprunts pour l’achat d’une maison, etc…
[2] Contrairement aux idées reçues, je tiens à préciser que les profs ne sont pas vraiment en vacances 4 mois par an et que leur temps de travail est largement supérieur aux 18heures de cours dispensés par semaine puisque les devoirs à corriger et la préparation des cours se fait en dehors du lieu de travail.
[3] La haute idée du sens de pédagogie et de cette mission de passeur de savoirs chez les professeurs de langues dans les écoles privées est à mon avis très différents des enseignants de l’éducation nationale.
[4] Quoique enseigner en Corée du Sud peut apparemment s’avérer fructueux, au moins concernant l’enseignement de l’anglais. Cf Rolf Potts, « Vagabonding, An Uncommon Guide to the Art of Long-Term World Travel »
[5] Je dois préciser que j’ai le net avantage de ne pas mettre endetter pour mes études (mais aussi le désavantage d’un diplôme peu reconnu) et d’avoir pu bénéficier d’un soutien financier de la part de mes parents.
[6] Le Boyfriend et moi avons fait le choix de vivre en collocation. Nous vivons dans un appartement avec un étudiant allemand.
[7] Rolf Potts, « Vagabonding, An Uncommon Guide to the Art of Long-Term World Travel »